Sophie

Prologue

Salut, je m’ appelle Sophie Matthioles et je suis orpheline. Je ne suis pas triste parce que j’ habite chez mes grands-parents, mon oncle m’a adoptée à sa majorité. Maintenant j’ai 15 ans et personne ne sait qui est mon père, car ma mère ne l’a jamais dit. Mon oncle est super sympa, il s’appelle Todd, ma mère s’appelait Angélique, c’est la seule chose que je sais sur elle. Je ne me souviens pas d’avoir été sur sa tombe ou d’avoir vu une photo d’elle : c’est un sujet tabou à la maison.

Questions

J’ai commencé à me poser des questions à l'âge de 6 ans, mais ma grand-mère m’a très vite fait comprendre qu’il ne fallait pas que j’en parle, qu’il fallait que j’ oublie ce sujet. Je suis obéissante alors ça n'a pas traîné, je suis vraiment timide. Je n’ai pas osé riposter, peut-être que j’aurai dû le faire. J’ai une amie qui est tout mon contraire, si on lui demande de se taire, elle se mettra à hurler, elle a l’esprit de contradiction. Michelle Vera. C’est ma meilleure amie. Mes grands-parents n’ont jamais déménagé, je dors dans la chambre de ma mère, dès que je l’ai su, j’ai commencé à fouiller pour voir si je trouvais quelque chose qui lui avait appartenu, elle me manque. Je ne la connais pas, je vais me rebeller : j’ai le droit, je dois connaître, découvrir la vérité sur ma mère et mes origines. Je n’ai jamais menti !

Michelle adore mon oncle, elle est vraiment extravagante cette fille ! Avant de devenir amies, je la trouvais superficielle ; quand je lui ai dit, elle a éclaté de rire. Elle a deux demi-sœurs. Elle a de la chance. Sa famille est ‘bizarre’. Michelle me surnomme Candide car elle trouve que je le suis beaucoup. Hier, je lui ai annoncé mon intention de faire des recherches sur mes parents.

« Michelle, je veux vraiment savoir qui étaient mes parents, je suis décidée.
- Peut-être qu’un nouveau magasin ouvrira dans le centre, me répondit-elle.
- Je suis sérieuse.
- Je sais Candide. Tu es toujours sérieuse.
- Je déteste ce surnom, tu le sais bien, me lamentais-je.
- Bon, tu veux commencer par où ? »

Michelle a le don de faire semblant de ne rien écouter et pourtant de prendre chaque détail en notes. En classe, c’est très pratique. Je sais que Michelle fera tout ce qu’elle pourra pour m’aider. A la maison, il n’y a que mon grand-père qui accepte de me parler de ma mère ; et il faut que ma grand-mère soit absente. Je ne lui dirai pas que j’ai commencé à faire des recherches. J’ai l’impression que ma grand-mère ne m’apprécie pas tellement, elle me regarde toujours comme si j’ étais une meurtrière, elle me fait peur. Ca a débuté le jour où je lui ai posé la question sur ma mère. Michelle m’a dit qu’elle allait regarder sur Internet. Je ne sais pas ce qu’elle va y regarder ni même ce qu'elle pourrait y trouver. Aujourd’hui c’est samedi, j’ai décidé de débuter mes recherches lundi. Pour que j’ aille chez Michelle, il me faut toujours un prétexte à cause de ma grand-mère : elle ne l'aime pas du tout.

Lundi, jour J ! J’ai peur de ce que je vais peut-être découvrir. Michelle vit avec ses beaux-parents, ils sont super cool. La situation de Michelle est étrange ; mais je vais quand même l’expliquer. La mère de Michelle s’est mariée très jeune, elle a divorcé un an après. Elle s’est remariée et s’est retrouvée enceinte de Michelle. Son second mari avait déjà une fille âgée de 3 ans. Ils ont divorcé mais le père de Michelle s’est remarié. Entre-temps sa mère a eu une autre fille. Pour résumer, Michelle vit avec le troisième homme de sa mère, c’est-à-dire le père de sa petite sœur, et la mère de sa grande sœur, c’est-à-dire la première femme de son père. C’est très compliqué, je l’avoue volontiers.

La liste

On a tapé Angélique Matthioles, il y en a 180 ; je ne savais qu’il y avait autant de monde s’appelant ainsi ! On a sélectionné toutes celles qui sont mortes, il y en a 75. Je ne connais même pas les dates de ma mère ! On a isolé toutes celles qui vivaient ici, il n’en reste que 28. Michelle m’a imprimé la liste, je vais devoir la cacher ; ma grand-mère ne doit pas la voir, elle me surveille comme si j’étais une voleuse ou une criminelle.

« Merci Michelle. Il faut que je rentre maintenant, ma grand-mère ne supporterait pas que j’arrive en retard.
- Ce n’est pas juste que tu n’aies pas le droit de dormir chez moi, s’insurgea Michelle.
- Tu dors avec Céline ce soir.
- Elle ronfle !
- Tu es grande, tu devrais dormir seule. A demain. »

Michelle déteste dormir seule, alors elle dort avec Céline, sa grande sœur ou Annie, sa petite sœur. Heureusement que j’ai couru sinon j’allais arriver en retard à la maison. Ma grand-mère me terrorise, elle contrôle tout. J’ai appelé mon oncle pour lui demander les dates de ma mère, mais il a détourné la conversation comme d’habitude. J’espérais que ma grand-mère ne trouverait pas la liste ; mais ce soir, elle l'a découverte et elle l’a déchirée devant mes yeux.

Evidemment, elle m’a interdit de retourner chez Michelle. Je lui mentirai, enfin j’essayerai. Un professeur ne sera pas là durant toute la semaine, alors pendant mes heures ‘creuses’ j’irai chez Michelle. J’ai retenu à peu près toutes les dates de la liste. Michelle est super contente que j’ai dissimulé l’absence du professeur à ma grand-mère. Il y a 18 Angélique Matthioles mortes à cause d’un accident, les autres sont mortes de cause naturelle. Michelle a remarqué qu’une jeune femme est morte le jour de ma naissance. Elle avait 16 ans.

« C’est jeune pour mourir, 16 ans, déclara Michelle.
- Je ne pense pas qu’elle voulait mourir, regarde, il y a marqué ‘accident’.
- De quoi ? Il n’y a pas marqué quel genre d’accident.
- Ce n’est pas important Michelle. Ce n’est sûrement pas ma mère. »

En effet, je pensais que c’était une autre Angélique qui était ma mère. La semaine est passée très vite. Ce week-end, ma grand-mère m’a autorisé à aller chez Michelle, elle veut sans doute fouiller ma chambre pour voir si je cache une autre liste ou un truc de ce genre.

Découvertes

Avec Michelle, on a été dans un nouveau magasin situé dans le centre-ville : ‘Kat’. Il y a vraiment de beaux vêtements. Michelle achète tout ce qui lui tombe sous la main, c’est une ‘fashion victime’ ! Je n’aime pas trop le shopping, mais Michelle adore ça. J’avais dit qu’on était des contraires ! Je la trouve vraiment différente de moi et c’est ce qui doit agacer ma grand-mère. En parlant d’elle, elle est partie pendant une semaine en thalassothérapie. Mon grand-père est plus détendu mais mon oncle ne m’appelle pas et quand je l’appelle, c’est le répondeur. Mon grand-père m’a emmené chez un ami ; nous sommes descendus dans sa cave et là, j’ai vu des tas de photos d’une fille qui me ressemblait ! C’était ma mère : la fille de 16 ans. Ce jour-là, mon grand- père m’a tout raconté, tout montré. C’était merveilleux ! Ma grand-mère ne savait pas qu’il avait conservé quelques photos et films chez un ami. D’après ce que mon grand-père m’a montré, j’ai l’impression que ma mère était assez extravertie. Je n’ai pas pu prendre une photo mais l’ami de mon grand-père m’a donné une clé et m’a dit que je pouvais venir quand je le voulais. Bien sûr je la garde sur moi, je ne voudrais pas que ma grand-mère la trouve. C’est trop précieux. J’ai dit à Michelle les dates exactes de ma mère. On a eu l’idée de faire une recherche sur le collège. On a trouvé plein de trucs intéressants. Il y a des photos des élèves. C’est dingue comme je ressemble à ma mère ! On aurait dit son clone ! C’est peut-être pour ça que ma grand-mère me considère comme une criminelle. Elle voit en moi une usurpatrice. Elle devait vraiment aimer Angélique… Mon oncle Todd ne m’appelle plus et ça énerve Michelle.

« Tu sais, c’est ton tuteur et normalement il est obligé de t’appeler.
- Ecoute Michelle, il n’a pas que moi dans sa vie. Et puis tu exagères, il n’est pas obligé de m’appeler.
- Tu n’as pas de volonté, moi, je ferai tout pour qu’il m’appelle tous les jours.
- Fin de discussion ! »

Nos conversations finissent toujours ainsi. Je n’ose pas me défendre. Mon oncle et ma mère étaient très proches l’un de l’autre. Je ne sais pas si je supporterais de voir la réplique d’une personne morte que j’aimais beaucoup, tous les jours, devant moi. Je suis sûre que c’est à cause de moi que mon oncle ne vient pas souvent à la maison.

Nous sommes reparties chez ‘Kat’, Michelle et moi. Une vendeuse n’a pas arrêté de me poser des questions, finalement elle est venue nous dire qu'on pouvait acheter tout ce qu' on voulait et que c’était gratuit jusqu’à nouvel ordre. Ce fut le plus beau jour de la vie de Michelle. Quant à moi, je me suis permise quelques folies.

J’ai emmené Michelle chez l’ami de mon grand-père pour lui montrer tout ce qui restait de ma mère. Elle a été stupéfaite de la ressemblance avec ma mère.

« Mais, c’est toi ! s’est-elle exclamée.
- Tu vois, je crois que c’est à cause de ça que mon oncle ne m’appelle plus. Je lui ressemble trop.
- C’est bizarre. Peut-être que tu es sa réincarnation.
- Arrête Michelle. Regarde, sur cette photo il y a mon oncle, ma mère et leurs amis. Ces filles, il y avait leurs têtes sur le site.
- C’est vrai. Heu… Caroline March et … Rébecca Minot !
- Quelle mémoire, Michelle ! Tu me surprendras toujours ! Minot et March, je sais que j’ai déjà lu ces noms quelque part.
- Sur le site, Candide.
- Arrête. Elles habitent à côté de chez moi, c’est sur la boîte aux lettres que j’ai vu leurs noms.
- Mais oui ! 'Alors, petite Sophie angélique, as-tu un petit ami ? Non. C’est bien', a imité Michelle. Ce sont ‘les deux vieilles’ !
- Sophie angélique, comme un ange. Sophie Angélique, pour ma mère. »

Ses amies

Michelle et moi sommes parties parler avec Caroline et Rébecca. C’étaient les meilleures amies de ma mère jusqu’au jour où une certaine Natalia Dowitch a débarqué. Elles nous ont aussi appris que le second prénom de ma mère était Candice. Elles sont vraiment super sympas. Maintenant, je commence à connaître ma mère grâce à ses amies et aux films de mon grand-père. Je suis très heureuse. Enfin, je commence à l’être. Caroline et Rébecca ne savent pas qui est mon père. Elles se sont engagées à me donner de l’aide. Il faut que je retrouve Natalia Dowitch ; elle sait qui est mon père. ‘Kat’ est toujours gratuit pour nous. Je voudrais remercier la propriétaire du magasin mais elle ne veut pas me voir. Michelle croit que c’est Natalia Dowitch qui est propriétaire du ‘Kat’. Je ne sais pas quoi penser. J’ai appelé Caroline et Rébecca. C’est bien Natalia Dowitch ! Je n’arrive pas à y croire. Demain, je vais la rencontrer avec Michelle.

« Je ne sais pas ce que je vais lui dire, ai-je annoncé à Michelle.
- Tu la remercies pour les fringues gratos !
- Michelle, ai-je dit au bord des larmes.
- Je serai là. Pose lui des questions sur ton père.
- D’accord. Tu crois qu’elle me déteste ?
- Sophie, on a des fringues gratos grâce à elle. Non, elle ne doit pas te détester, ne t’inquiètes pas. »

Le lendemain, à la boutique :

« Bonjour, je m’appelle Sophie.
- Tu lui ressembles, a dit Natalia.
- Je sais, merci, ai-je répondu.
- Pourquoi merci ? Ce n’était pas un compliment ! Tu as faillit me rendre folle, a lancé Natalia.
- Eh, tu te calmes ! Elle ne t’as rien fait. OK ? a hurlé Michelle.
- Tu n’es pas comme Angie. Elle était forte, elle savait se défendre mais elle est morte par ta faute.
- C’est horrible ce que vous dites ! ai-je crié en larmes. C’est impossible que ma mère ait pu être amie avec vous.
- Pauvre petite chose !
- Michelle, on s’en va ! »

Confrontation

Après cette discussion assez mouvementée, j’avais peur de retourner au ‘Kat’. Michelle m’a dit qu’il fallait que j’aille voir Natalia pour mettre ‘les points sur les i’. Je ne voulais plus avoir affaire à elle. Je ne suis pas courageuse et je préfère éviter les problèmes. Michelle n’arrête pas de me dire de me bouger, de me secouer. Elle ne sait pas ce que j’endure. Elle est plus forte que moi, elle aime se battre, elle sait se défendre. Moi, je ne sais pas. Je souhaitais savoir la vérité, rencontrer des personnes qui accepteraient de me parler de mes parents. Mais j’avais croisé le chemin de Natalia Dowitch, elle m’avait anéantie. J’ai eu beaucoup de mal pour me reconstruire. Cela a mit des mois entiers. Mais, j’ai enfin réussi ; je suis prête à repartir au combat. Nous sommes allées chez ‘Kat’ avec Michelle, et il se trouve que j’ai discuté avec Natalia comme suit.

« Je pense que ça ne doit pas être facile tous les jours de vivre sans une personne que l’on a beaucoup aimée, ai-je commencé.
- Bien dit, petite ! a-t-elle rétorqué.
- Je ne veux pas vous faire souffrir. Je veux juste vous poser quelques questions.
- Qu’est-ce que tu veux savoir, hein ?
- Je voudrais des renseignements sur mon père et ma mère, ces choses là vous comprenez, c’est très important pour moi. S’il vous plaît…
- Ton père,…son silence se prolongea et j’eu peur qu’elle se mette en colère.
- Ouais, son père, si t’as compris, réponds sinon passe à autre chose ! Michelle, impatiente, n’avait pas supporter le silence de Natalia.
- Michelle, m’alarmais-je, pourquoi es-tu intervenue ? Tu m’avais promis de rester silencieuse !
- J’ai pas de patience, tu le sais bien pourtant. Je suis désolée !
- Ce n’est rien, répondis-je à Michelle tandis que je me tournais vers Natalia. Excusez-la, on s’en va.
- David Carus, c’était le nom de ton père. Il travaillait dans un garage. Tu as un oncle James. Angie était vraiment heureuse quand elle le voyait, ce David. Sa mort a été le début de la fin pour Angie, elle ne faisait plus rien. Toi, tu l’as achevée ! Pauvre petite orpheline. Je te donne l’adresse de ton oncle, fais-en bon usage, conclut-elle.
- Et pour les fringues gratos ? entendis-je Michelle demander. »

Comment pouvait-elle penser à ça ? Etait-elle si égoïste ? Je regardais Natalia puis Michelle. Natalia ne répondit pas. Elle me donna un morceau de papier sur lequel était noté quelque chose. Je la remerciais, pliais le papier et le mis dans ma poche. Michelle parlait mais je n’entendais rien. J’étais donc la cause de la mort de ma mère. Je comprenais mon oncle Todd, ma grand-mère et Natalia. Ce n’était pas de la haine ni du mépris, simplement de la tristesse. Je ne veux plus faire de mal, j’en sais assez, j’abandonne ces recherches stupides.

Maturité

Arrivée à la maison, je me suis mise à chercher l’adresse de mon oncle paternel mais impossible de la retrouver. C’était Michelle qui me l’avait prise, j’en étais sûre. Je l’ai appelée mais je suis tombée sur Annie.

« - Dis bien à Michelle qu’elle me rende cette adresse !
- Tu as l’air fâchée, dit Annie d’une voix douce, tu veux que j’appelle sa mère ?
- Non, la pire chose pour elle serait de dormir seule, lui répondis-je. Elle a fait déborder le vase, j’en ai assez. Elle est là ou pas ?
- En fait, elle est dans la cuisine mais je dois te dire qu’elle n’est pas disponible, en principe.
- Retiens-là, j’arrive ! »

Aussitôt dit, aussitôt fait. Je me suis faufilée dehors, j’étais vraiment très en colère contre Michelle. Malheureusement, elle avait découvert la supercherie et elle était partie bien avant que j’arrive. Annie était déçue de ne pas avoir réussi à retenir Michelle. Je l’ai consolée et après j’ai appelé ma grand-mère pour lui dire que je dormirai chez Michelle. Elle n’était pas très contente mais je m’en moquais complètement ! J’en avais assez d’être la gentille fille qui obéit à tout et qui a peur. Michelle savait que j’étais très en colère, elle est revenue très tard mais je l’attendais de pied ferme.

« - Michelle, tu me rends tout de suite ce qui m’appartiens. Tu a été trop loin cette fois, j’en ai assez.
- Écoute Can… Sophie, je sais…
- Je me fiche de ce que tu vas me dire, ce que je veux c’est que tu me rendes ce que tu m’as pris.
- Tu es en colère. Je sais que je n’aurais pas dû te prendre ce papier mais je voulais simplement vérifier si il était encore vivant. Je ne voulais pas que tu aies encore une déception…
- Et alors ? Il s’agit de ma vie.
- Je te signale que je fais partie de ta vie ! s’exclama-t-elle avant de monter précipitamment dans sa chambre.
- Je crois qu’elle est triste, m’a dit Annie. Je ne savais pas que tu pouvais parler aussi fort, tu m’impressionnes vraiment Sophie.
- Je ne voulais pas,… dis-je au bord des larmes. C’est la première fois que je me comporte comme ça.
- C’est pas grand chose. Il faut être là quand Céline et Michelle se disputent, même les parents n’arrivent pas à les séparer.
- Il est vraiment très tard, je suis désolée Annie.
- Désolée de quoi ? Sophie ne te mets pas dans des états pareils. Va lui parler et ça ira mieux.
- D’accord j’y vais tout de suite… »

Après avoir frappé à la porte de sa chambre:

« Michelle, c’est…
- Qu’est-ce-que tu veux ?
- Juste te parler face à face parce que parler à une porte c’est…
- Oui, je t’écoute !
- Merci de m’avoir ouvert la porte. Tu sais c’est la première fois que je m’emporte comme ça.
- Avoue, me chuchota Michelle, ça t’as fait du bien. Il faut gueuler un bon coup au moins une fois par an pour toi, pour le début. Allez, tout va bien, si tu te sens coupable ou triste c’est nul, plaisanta-t-elle.
- Tu as raison, lui ai-je répondu. Alors, mon oncle paternel…
- …Est vivant. Il veut te voir. Il m’a dit qu’il t’avait cherchée et même qu’il t’avait écrit des lettres.
- Ma grand-mère a dû les prendre dans la boite aux lettres. Je ne pensais pas qu’ elle pouvait faire une chose pareil : intercepter mon courrier.
- On va le voir demain ? demanda Michelle avec entrain.
- Non, je te signale qu’on finit très tard demain. Mais samedi, on pourra y aller.
- Non, me répondit Michelle, samedi on va chez ‘Kat’.
- On n’a pas rendez-vous avec Natalia, donc de toutes façons j’irai voir mon oncle. Fin de discussion !
- L’assurance ne te réussit pas, tu commences à devenir odieuse, m’a dit Michelle, avec humour.
- Je ne suis plus d’accord avec toi alors je suis odieuse. Je ne fais plus tes quatre volontés alors je suis odieuse. Si c’est ça ta conception de l’amitié… »

Et je suis partie ! Toutes les fois où j’avais eu envie de partir mais que j’étais restée, là je suis partie, je change ; et je suis contente de changer, même si je me sens quand même un peu coupable. Le lendemain Michelle m’a fait sentir son mécontentement en m’évitant copieusement. Je m’en moquais parce que je sentais qu’une nouvelle vie était devant moi. Etais-je devenue si indifférente ? Avais-je autant de méchanceté que Natalia, Todd et ma grand-mère le pensaient ? Je ne me sentais pourtant pas si différente que ça.

Leur histoire

Finalement, je me suis décidée à aller voir mon oncle James un mercredi après-midi.

« Bonjour, ai-je commencé.
- Quelle ressemblance, David n’en aurait pas cru ses yeux ! s’est exclamé mon oncle avec enthousiasme. Entre, je t’en prie.
- Je vous remercie,…
- Tu es ma nièce, tu peux me tutoyer.
- D’accord. Je vais essayer. Je suis venue pour poser des questions.
- Je comprends, tes grands-parents ne savaient rien.
- Ils ne veulent même pas me parler de ma mère. Ils ne savent même pas que j’ai entrepris des recherches, je dois leur cacher.
- Tu sais, je ne connaissais pas vraiment très bien ta mère. Mais je vais te répondre dans la mesure du possible.
- Comment mon père est-il mort ?
- Il a été écrasé par un camion, il est mort sur le coup, il n’a rien senti…
- Je n’étais pas encore née ?
- Non, il ne t’a jamais vu mais il t’aimait c’est sûr. Tes parents s’aimaient fort, ils avaient des projets. C’était beau de les voir ensemble.
- Vous… tu aurais une photo ?
- Les voilà,… La joie de vivre, le bonheur personnifié.
- Tu sais pourquoi Natalia Dowitch n’a rien fait pour me voir ? C’était la meilleure amie de ma mère, non ?
- Elle a été si secouée qu’elle en est devenue folle. Elle aimait beaucoup ta maman. Elle a rejeté la faute de sa mort sur toi, sur David, sur les docteurs, sur tout le monde. J’allais la voir mais elle refusait de parler.
- Elle est en ville, elle veut souffrir encore plus?… Je ne la comprends pas.
- C’est pour sa thérapie. Elle doit affronter ses démons intérieurs, en l’occurrence : toi.
- Ce doit être vraiment dur. Je voudrais que tu me fasses un résumé de leur histoire, si c’est possible, si ça ne te fais pas trop mal.
- Te voir est un bonheur, m’assura mon oncle avec un immense sourire. Ils se sont rencontrés au garage, ce fut le coup de foudre, l’amour fou… Puis David est mort et ta mère ne l’a pas supporté, et sa famille ne savait rien. Elle était désormais seule avec Natalia à protéger son secret. Elle est morte le jour de son anniversaire, je pense qu’elle t’aimait mais qu’elle n’avait plus la force de vivre sans David.
- Alors elle s’est laissée mourir pour aller le rejoindre, dis-je en pleurant. Elle n’a même pas pensé à moi. Je croyais qu’elle était gentille.
- Sophie, elle était gentille et très mûre pour son âge ; mais trop faible pour survivre…
- Natalia m’a assuré qu’elle était forte et qu’elle savait se défendre, ai-je crié.
- Elle n’a pas tort, Todd m’a dit la même chose.
- Tu es en contact avec mon oncle Todd ?
- Oui, depuis la mort d’Angélique, pourquoi ? Il ne t’a rien dit ?
- Mon oncle Todd m’évite, ai-je répondu sur un ton sec.
- Il vit avec moi depuis que tu as six ans…Il va bientôt arriver tu vas pouvoir lui parler face à face. »

Mes oncles

Et effectivement, quelques minutes plus tard une voiture se garait et mon oncle Todd en descendit détendu et souriant. Je ne savais pas ce que j’irai lui dire, mais que je ressemble à ma mère ou non, c’était mon tuteur et il devait m’écouter quand j’en avais besoin, et justement aujourd’hui j’en avais besoin.

« Salut ! s’exclama mon oncle Todd. Manifestement il ne m’avait pas encore vu. Son visage se renferma quand enfin il m'aperçut. Angie, Sophie qu’est-ce que tu fais là ?
- Moi aussi je suis contente de te voir tonton.
- Tu pourrais au moins faire un effort, dit James.
- Ca ne te concerne pas. Réponds, qu’est-ce que tu viens faire ici ?
- C’est aussi ma nièce et c’est ma maison.
- Je déménage dès que je peux, ou plutôt quand tu le voudras.
- Eh ! ai-je crié. Je suis là. Je suis là. Je suis venue pour connaître mon oncle paternel : James Carus. Tu sais tonton si je savais que tu habitais ici je ne serai pas venue, ai-je dit à mon oncle Todd. Tu es si concerné par moi…
- Ne t’en va pas, ne me punis pas ! s’est exclamé mon oncle James avec une telle tristesse dans la voix que je ne pus m’empêcher de verser une larme.
- Sophie, pourquoi es-tu venue ? me redemanda mon oncle Todd.
- Je voulais parler de mon père avec James. On ne peut pas dire que je sache grand chose sur ma propre famille…
- C’est vrai que je ne voulais pas te parler au téléphone, ni même te voir. Tu lui ressembles trop…
- Je lui ressemble peut-être mais je ne suis pas ma mère. Personne ne veut apprendre à me connaître, moi. Pourtant j’existe !
- Si, moi j’ai toujours voulu faire ta connaissance, répondit mon oncle James. Depuis ta naissance j’ai tenté de prendre contact avec toi.
- Merci. Je suis heureuse qu’au moins une personne sur cette terre veuille me connaître et veuille m’aimer pour qui je suis et non pour ce que je représente.
- Tu ne comprends pas, est intervenu Todd, ma mère ne m’a pas pardonné ton adoption, mon père est devenu trop faible pour oser riposter et j’ai perdu ma sœur.
- Et j’ai perdu ma mère, et tout le monde m’insulte et personne ne veut me parler et ma meilleure amie, je n’ai plus de meilleure amie.
- Eh bien pour ma part tout va bien, sauf si on considère que je n’ai plus de parents et que mon frère s’est fait écraser, a conclu James. »

Epilogue

Voilà, aujourd’hui je fête mes 16 ans. Je ne suis pas enceinte et mon petit ami n’est pas mort brutalement sous mes yeux. Toute ma famille est autour de moi, y compris une certaine Natalia Dowitch. Caroline March et Rébecca Minot surveillent mon ventre de très près. Michelle s’est calmée, elle se sentait trop seule et m’a fait des excuses. Je suis enfin heureuse ! ‘Kat’ pour Natalia Katarina Dowitch.

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